Sensibilité croisée en milieu de travail – Les gaz toxiques, combustibles et asphyxiants comptent parmi les plus grandes menaces à la sécurité au travail. Vous n'êtes pas toujours familiarisé avec les gaz qui peuvent être présents dans votre environnement professionnel. Heureusement, il existe de nombreuses possibilités pour détecter les gaz dangereux dans une usine. Vous pouvez par exemple prélever un échantillon de gaz et l'analyser au moyen d'un spectromètre de masse pour obtenir une mesure exacte des gaz présents dans la zone. Cette méthode peut toutefois prendre du temps et si votre laboratoire n'est pas suffisamment équipé, vous risquez de devoir envoyer l'échantillon à l'extérieur, ce qui va générer des dépenses supplémentaires. Vous pouvez aussi utiliser des tubes de détection de gaz colorimétriques. L'avantage est qu'ils ne réagissent qu'avec un produit chimique ou une famille de produits chimiques particuliers. L'inconvénient est qu'ils sont chers et ne se conservent pas longtemps. Par ailleurs, dans les cas où la nature du gaz à mesurer n'est pas connue, vous devrez probablement ouvrir plusieurs tubes avant de trouver le bon, ce qui vous fera perdre du temps et de l'argent.
Quelle est la méthode la plus courante ? En général, les entreprises optent pour des détecteurs de gaz et/ou des détecteurs de zone portatifs. Conçus pour détecter un ou plusieurs gaz, ces détecteurs utilisent des technologies avancées pour repérer les dangers liés au gaz.
Les cellules à diffusion catalytique et infrarouges (IR) détectent les gaz combustibles tandis que les cellules de détection à photo-ionisation (PID) recherchent généralement les composés organiques volatils (COV) et autres hydrocarbures. Pour les gaz toxiques qui peuvent endommager le système respiratoire, les cellules électrochimiques constituent la méthode la plus appropriée.
Les composants de base d'une cellule électrochimique sont une électrode de travail (ou de détection), une contre-électrode et, généralement, une électrode de référence. Ces électrodes sont enfermées dans l'enveloppe de la cellule, en contact avec un électrolyte liquide. La cellule possède une membrane en téflon qui laisse passer le gaz mais filtre la poussière, l'eau et autres contaminants. Le gaz se diffuse dans la cellule et à travers la membrane jusqu'à l'électrode de travail.
Lorsqu'il atteint l'électrode, une réaction chimique se produit qui crée de l'énergie. L'intensité du courant électrique généré étant proportionnelle à la concentration en gaz relevée par la cellule, plus la concentration en gaz est forte, plus l'intensité du courant sera élevée, et inversement. L'appareil affiche ensuite la concentration en gaz en parties par million (ppm) pour les cellules de gaz toxiques et en pourcentage du volume (% vol.) pour les cellules d'oxygène. Chaque cellule est programmée pour détecter un gaz spécifique, mais on observe parfois des sensibilités croisées.
Les sensibilités croisées surviennent lorsque des gaz (gaz interférents) provoquent une réaction de l'électrode située dans la cellule alors même que le gaz cible est absent. Cette réaction peut-elle être évitée ? Dans un monde idéal, oui, mais malheureusement, il est très difficile de mettre au point une électrode qui ne réponde à rien d'autre qu'au gaz cible. Idéalement, une cellule de monoxyde de carbone (CO) devrait permettre de détecter uniquement le monoxyde de carbone, mais en réalité, d'autres gaz peuvent provoquer une réaction de la cellule et générer des mesures. Et ce n'est là qu'un exemple d'interférence croisée parmi d'autres. Il est possible de ralentir cette réaction en équipant la cellule de filtres, mais pas de l'éliminer complètement. Il n'existe actuellement aucune technologie qui permette de filtrer tous les gaz interférents.
Cela peut être problématique pour vous, qui devez gérer un programme de détection de gaz, et pour les membres de votre équipe. Imaginons que ces derniers travaillent dans une zone requérant le port d'un détecteur monogaz de CO et qu'ils obtiennent une mesure positive. Comme ils l'ont appris dans le cadre de la formation sur la détection de gaz qu'ils ont reçue lors de leur embauche, le monoxyde de carbone est le produit d'une combustion incomplète. Ils regardent autour d'eux et ne voient rien qui puisse produire du CO. Ils mettent alors en cause le détecteur et vous voilà confronté à des utilisateurs qui ne font plus confiance à leur matériel. Mais que s'est-il réellement passé ? Votre équipe ne l'a pas remarqué, mais la zone en question contenait une grande quantité d'hydrogène (H2) qui a provoqué une réaction de la cellule de monoxyde de carbone. Voilà pourquoi il est très important de former le personnel aux sensibilités croisées dès le départ.
Comment les sensibilités croisées peuvent-elles vous aider à analyser une mesure de gaz ? Étant donné leur importance, la plupart des fabricants de détecteurs de gaz publient les sensibilités croisées de leurs cellules de gaz toxiques. Dans le tableau fourni ci-dessous à titre d'exemple, les différents types de cellule sont indiqués dans la ligne supérieure et les gaz interférents dans la colonne de gauche. Votre entreprise pourra facilement imprimer et distribuer un tableau de ce type aux membres du personnel, qui pourront en conserver une copie dans leur poche afin de s'y référer sur le terrain. Un collaborateur utilisant un appareil équipé d'une cellule de monoxyde de carbone, sulfure d'hydrogène, oxygène et LIE pourra aller sur le terrain muni de son détecteur et du tableau des sensibilités croisées. S'il obtient une mesure inhabituelle comme dans l'exemple précédent, il pourra se référer au tableau pour mieux identifier les gaz potentiellement présents. Est-ce une science exacte ? Non, loin s'en faut. Mais cette méthode peut être utilisée en conjonction avec les autres méthodes de détection dont nous avons parlé précédemment.
Si vous ou un utilisateur final détectez du CO et du H2S dans une zone où aucun de ces deux gaz ne devrait se trouver, vous pouvez consulter le tableau des sensibilités croisées pour identifier les gaz qui ont pu provoquer ces mesures. Dans le tableau fourni ici, vous voyez à présent qu'il peut s'agir d'acide cyanhydrique (HCN) ou d'hydrogène (H2). Muni de ces informations, vous pouvez sélectionner les bons tubes colorimétriques. Au lieu d'ouvrir des tubes au hasard, vous êtes à même de cibler une famille de produits chimiques, voire un produit en particulier.
Autre chose importante à savoir à propos des interférences croisées : les détecteurs de certaines marques indiquent parfois des mesures négatives, ce qui peut dérouter les utilisateurs. Ils ne comprennent pas comment ils ont pu obtenir ce type de mesures et en concluent que leur détecteur est défectueux. Des mesures négatives peuvent survenir lorsque le gaz présent provoque une réaction négative de l'électrode. Dans ce cas, c'est la sensibilité croisée qui provoque la réaction des produits chimiques. Lorsqu'ils programment leurs cellules, certains fabricants créent une « zone morte ». Les cellules sont alors programmées pour ne pas afficher les mesures négatives qu'elles pourraient relever sur l'écran du détecteur. Dans ce cas, vous obtiendrez simplement une mesure de zéro à l'écran. Certains fabricants appliquent également cette zone morte aux niveaux bas de la gamme positive de façon à ce que les utilisateurs ne voient pas les sensibilités croisées et fluctuations de moindre importance. D'autres fabricants choisissent de ne pas appliquer de zone morte, partant du principe que les fluctuations, même légères, et les mesures négatives sont le signe que quelque chose se passe dans la zone. Si le détecteur a été correctement étalonné, vous devez partir du principe qu'il fonctionne bien.
Les sensibilités croisées sont-elles un problème ? Même si elles peuvent poser certaines difficultés, elles sont tout de même utiles car elles vous signalent la présence d'un gaz. Les sensibilités croisées sont le signe que quelque chose se passe et doivent vous conduire à examiner la situation de plus près. Si vous êtes familiarisé avec les sensibilités croisées qui s'appliquent à vos appareils et à votre milieu de travail, vous pouvez déterminer plus précisément les gaz potentiellement présents. Ce n'est pas une science exacte, mais l'éducation aux sensibilités croisées contribue clairement à la sécurité des équipes.